Depuis que nous sommes enfants, combien de fois avons-nous entendu « ne sois pas triste », « allez sois heureux », « ne t’énerve pas », comme si nous pouvions contrôler nos émotions. Comme si nous pouvions décider d’être heureux, triste ou en colère. Comme si certaines étaient acceptables et d’autres non. Comme si elles étaient positives ou négatives (certaines étaient positives et d’autres négatives). Ces phrases gravées dans notre innocence ont structuré nos pensées et nos comportements, en nous programmant à éviter certaines émotions et ainsi, limiter notre potentiel. Les émotions nous définissent, elles sont un signal très puissant.
Les émotions ne peuvent pas être contrôlées. Elles sont des réactions qui sont fondamentales dans nos interactions sociales. D’autres espèces animales disposent aussi de ce mécanisme comme les chevaux ou les oies. Elles sont un élément essentiel qui nous connecte à nous-mêmes, aux autres et conditionne la façon dont nous nous comportons en tant qu’espèce. Et pourtant nous n’avons aucun contrôle sur elles. Elles sont automatiquement déclenchées en fonction de situations extérieures et dépendent non seulement de notre histoire, de nos états émotionnels mais aussi du contexte. Les émotions sont une réalité dans nos vies.
Les émotions ne sont ni bonnes, ni mauvaises. Suivant les théories psychologiques, il y a environ 6 émotions de base ou primaires (joie, peur, dégoût, tristesse, surprise, colère). L’idée que certaines émotions soient positives ou négatives est profondément ancrée en nous et je m’attends à ce que certains de mes lecteurs soit dérangés par cette affirmation. Cependant, les émotions ne font pas de nous des personnes plus ou moins bonnes. C’est ce que nous en faisons qui le définit. Il est facile de le constater aujourd’hui alors que l’anxiété domine, des hommes, des femmes et des enfants se mobilisent de différentes façons pour combattre un virus. Force est de constater que cette peur a un écho positif. De la même façon, la joie peut nous conduire à la précipitation et ainsi, à commettre des erreurs. Brenée Brown explique cela dans ses nombreuses vidéos au sujet de la vulnérabilité.
Les émotions influencent nos pensées et nos réactions physiologiques. C’est l’amygdale au sein de notre cerveau qui est à l’origine de notre expérience des émotions. Des connections neuronales la relie au cortex préfrontal qui est le centre responsable de la prise de décisions. Il y a des connections biologiques entre nos émotions, notre mémoire, notre raisonnement et notre corps. Certaines émotions nous font sentir bien et d’autres mal de sorte que nous évitons ou répétons certains comportements. Les émotions peuvent biaiser notre réflexion, mais elles peuvent aussi améliorer nos performances physiques, intellectuelles ou encore sociales. Elles sont un indicateur essentiel de notre réussite professionnelle. Daniel Goleman explique cette corrélation dans ses nombreux écrits sur le sujet.
Les émotions nous propulsent. Au-delà de l’étymologie (é-motion emovere en latin), les émotions nous font réagir. Ce sont elles qui induisent nos réactions pour agir ou bien réagir aux situations ou comportements auxquels nous sommes confrontés. Leur intensité et durée dépendent de notre état d’esprit et ce qui les a déclenchées. C’est le cas des valeurs par exemple ou encore de la réaction de combat ou de fuite déclenchée par la peur. Les émotions sont plus intenses au sein d’un groupe. Elles sont contagieuses. L’écho des émotions peut être extrêmement puissant et c’est dans notre intérêt de canaliser cet écho. Quand les émotions s’inscrivent dans le temps, elles se transforment en sentiment.
Les émotions nous animent, elles sont au cœur de nos valeurs. Le débat ne se résume pas à abandonner notre raison à notre passion, mais à trouver le bon équilibre entre les deux en fonction des situations. Il ne s’agit pas ici de la question de la joie en entreprise, il s’agit d’être attentif aux personnes et de donner un sens profond à l’action. Il n’y a rien de plus puissant ou rassurant, ainsi les organisations doivent réapprendre à domestiquer l’écho des émotions et leur pouvoir pour se démarquer en tant qu’entreprise, institution ou association. Il s’agit d’un changement culturel profond pour beaucoup d’entre nous, mais les enjeux sont à la hauteur pour se développer dans des situations comme celles d’aujourd’hui.